Bruxelles # XI.17
une chambre simple ⁰⁸
« Elle, dans la chambre, elle dort. Elle dort. Vous [le vous implacable qui soit constate, soit maintient l'homme auquel il est adressé dans une obligation précédant toute loi] ne la réveillez pas. Le malheur grandit dans la chambre en même temps que s'étend son sommeil ... Elle se tient toujours dans un sommeil égal ... » —————— Maurice Blanchot, La Communauté inavouable
dimanche 14 avril 2019
Pudeur
Elle n'était pas chercheuse. D'ailleurs, cela faisait plusieurs années qu'elle avait laissé l'idée et l'intrigue s'enchevêtrer au néant. Non, elle ne cherchait plus parce que la voix caressante de la passion avait quitté le corps. Tout à l'intérieur comme décomposées, les perspectives d'avenir se disputaient l'absurde. Cela devenait un aveu indésirable en matière de sens. Elle n'était pas non plus une formidable figure de proue sous le beaupré d'un nom. Chaque mouvement visible était orphelin. Personne donc, pas même l'écho de sa propre parole, ne répondait à la danse des sentiments. Quand il pleuvait, elle volait au vent comme un oiseau en ville, suffisante et trempée au-dessus des ruisseaux. Quand l'attente - par signes - était trop longue, elle cachait la détresse sous la pudeur du texte
vendredi 12 avril 2019
Transformation
« But how describe the world seen without a self ? There are no words.
Blue, red — even they distract, even they hide with thickness instead of letting the light through. How describe or say anything in articulate words again ? — save that it fades, save that it undegoes a gradual transformation, becomes, vene in the course of one moves and one leaf repeats another. Loveliness returns as one looks, with all its train of phantom phrases. One breathes in and out substantial breath : down in the valley the train draws across the fields lop-eared with smoke.
« Mais comment décrire un monde sans avoir un moi ? Il n'y a pas de mots. Bleu, rouge — même eux détournent, même eux cachent par leur épaisseur au lieu de laisser passer la lumière. Comment décrire ou dire de nouveau quoi que ce soit avec des mots articulés ? — sauf que ça s'estompe, sauf que ça se transforme progressivement, et devient, même au cours d'une brève promenade, habituel — cette scène aussi. La cécité revient à mesure qu'on se déplace et qu'une feuille en répète une autre. La beauté revient tandis qu'on regarde, avec son cortège de phrases fantômes. La respiration retrouve son souffle substantiel ; en bas dans la vallée le train traverse les champs avec ses panaches de fumée retombant en oreilles de lapin.
Virginia Woolf, The Waves / Les Vagues
Blue, red — even they distract, even they hide with thickness instead of letting the light through. How describe or say anything in articulate words again ? — save that it fades, save that it undegoes a gradual transformation, becomes, vene in the course of one moves and one leaf repeats another. Loveliness returns as one looks, with all its train of phantom phrases. One breathes in and out substantial breath : down in the valley the train draws across the fields lop-eared with smoke.
« Mais comment décrire un monde sans avoir un moi ? Il n'y a pas de mots. Bleu, rouge — même eux détournent, même eux cachent par leur épaisseur au lieu de laisser passer la lumière. Comment décrire ou dire de nouveau quoi que ce soit avec des mots articulés ? — sauf que ça s'estompe, sauf que ça se transforme progressivement, et devient, même au cours d'une brève promenade, habituel — cette scène aussi. La cécité revient à mesure qu'on se déplace et qu'une feuille en répète une autre. La beauté revient tandis qu'on regarde, avec son cortège de phrases fantômes. La respiration retrouve son souffle substantiel ; en bas dans la vallée le train traverse les champs avec ses panaches de fumée retombant en oreilles de lapin.
Virginia Woolf, The Waves / Les Vagues
dimanche 7 avril 2019
samedi 6 avril 2019
Contradiction
l'obsession devait tourner rance et les phalènes en papier aguerrir l'habitude c'est la certitude décomposée qu'il fallait sentir d'une parole à l'autre dételer le désir aux choses troubles mais au fond c'est une aporie ce qui après le lever du soleil devait s'incarner en d'autres termes d'une jetée de mots le droit à la contradiction
jeudi 4 avril 2019
mercredi 3 avril 2019
Coins
Everything goes. I am working very hard at not thinking about how everything goes. I watch a hummingbird, throw the I Ching but never read the coins, keep my mind in the now.
Tout fout le camp. Je me donne beaucoup de mal pour ne pas penser à quel point tout fout le camp. Je regarde un oiseau-mouche, je lance une pièce en l'air mais sans regarder si elle retombe du côté pile ou du côté face, je me concentre sur maintenant.
Joan Didion, Play It As It Lays / maria avec et sans rien
Tout fout le camp. Je me donne beaucoup de mal pour ne pas penser à quel point tout fout le camp. Je regarde un oiseau-mouche, je lance une pièce en l'air mais sans regarder si elle retombe du côté pile ou du côté face, je me concentre sur maintenant.
Joan Didion, Play It As It Lays / maria avec et sans rien
vendredi 29 mars 2019
Lumière
je relève la tête la lumière en chemin est invisible toutes les lumières désirables sont de toute façon invisibles le poème s'effrite sur le chemin de cette invisibilité une chanson fait la boucle sur un bout de film inversible il y a des coupures d'images encore muettes comme des lamelles noires qui pourraient habiller mes paupières et me cacher de cette lumière froide
dimanche 24 mars 2019
Injustice
D'ailleurs tu n'auras plus beaucoup de joie. Ainsi vont les choses : non seulement ceux qui doivent supporter l'injustice mais également ceux qui commettent des injustices ne peuvent prendre plaisir à la vie. D'ailleurs je me demande si le désir de détruire d'autres vies ne provient pas de l'absence de désir et de joie éprouvée dans sa propre vie.
Christa Wolf, Médée voix
Christa Wolf, Médée voix
vendredi 15 mars 2019
Film
partir de la terrasse mi-ruine mi-nébuleuse à cet endroit ce n'est plus qu'une levée de terre battue par-delà les armées hagardes c'est aussi l'étrange d'une forme inéluctable réfléchie à elle-même l'ultra-violet du paysage est sans limite en somme rien n'est plus sensible et se transcrit ainsi les aurores magnétiques sont devenues l'oubli dans les trains de nuit le gouffre a pesé sur le rêve et c'est ainsi quelque chose part et emporte les corps écaillés il reste seulement une compagnie intouchable sur le flanc des lèvres telles des miettes et des poussières le film invisible du premier cri
dimanche 10 mars 2019
Zone
Encore quelques mots photographiés du débarcadère mais sans écriteau annonciateur on ne verra plus de lois physiques sur la jetée la charpente de l'endroit est de telle façon disposée en mine lumineuse qu'elle tamise goutte à goutte l'écoulement de l'algèbre amoureux et chaque goutte promène sa barque impérieuse et destinée derrière la force du soulèvement du coeur le bruit bas de l'île ne se nomme plus une excursion en zone intérieure
vendredi 8 mars 2019
Tulipe
Il rêva. Il dormit. Il ne rêvait pas du tout. Il était plutôt envahi par un lointain sentiment d'amour. Un tablier d'yeux qui tremblaient et clignotaient comme autant d'ampoules. Et puis rien. Rien dans le jardin qui s'étendait jusqu'à la mer. Sinon une fleur sortie d'une de ces ampoules. Une tulipe singulière. Longue, solitaire et noire comme une tache sur le soleil.
Patti Smith, La Mer de Corail
dimanche 3 mars 2019
Mars
un bruit sec puis le silence précipité sous la nuit frileuse où rien n'échappe aux sens des sarments de coeur se brisent l'histoire éperdue gagnée par Mars ne sera plus un jeu au fond de cette imagerie sentimentale on ne pourra voir qu'un amas de fibres tortueuses qui sous la forme d'un nid paisible aura consenti à l'enfer à tailler en allumettes le tapis de feuilles manuscrites à mettre l'amour au carreau pour dépeindre la vie
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